Le tassergal, une pêche exotique en France

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Pas besoin de prendre un avion et de traverser le monde entier pour pêcher des espèces exotiques. Il suffit quelquefois de chercher à côté de chez nous ! En Méditerranée, il est possible d’attraper une des espèces les plus sympathiques et mythiques de nos côtes : le tassergal.

Le tassergal est sans doute l’une des espèces les plus prisées par les pêcheurs sportifs. Les attaques et les combats spectaculaires de ce poisson féroce expliquent sans doute cet engouement. Si vous aussi vous voulez vivre la même aventure, préparez-vous à des rushes et des sauts époustouflants !

Ce poisson est un peu comme la liche. Il est un peu mythique car difficile à pêcher aux leurres. Cela vient surtout du fait que, malgré sa présence un peu partout sur nos côtes, il reste assez discret. Il y a des jours où il va chasser en meute et vous pourrez alors enchaîner les prises, puis, d’un seul coup, il va disparaître… C’est donc une pêche d’opportunité qu’il ne faudra louper sous aucun prétexte lorsque vous tomberez dessus.

Il est possible de le pêcher avec de nombreuses techniques différentes, aussi bien au vif, à la traîne qu’aux leurres en lancé-ramené. Nous parlerons ici uniquement de la pêche aux leurres car c’est surtout celle-ci qui vous procurera le plus d’émotions. Je vous propose de partir à la découverte de cette espèce et de sa pêche aux leurres.

Qui est le tassergal et comment vit-il ?

Appelé également bluefish aux États-Unis ou dorado en Espagne, le tassergal, dont le nom scientifique est Pomatomus saltatrix, est l’unique poisson du genre Pomatomus et donc de la famille des Pomatomidae, elle-même proche des Scombropidae. Il possède une tête qui est assez courte, mais une mâchoire très épaisse et extrêmement puissante. Celle-ci est armée de fortes incisives qui coupent comme un rasoir (attention aux mains et aux doigts !). Cette particularité lui permet de sectionner ses proies en deux d’où sa réputation dont nous allons reparler.

Le corps est allongé et oblongue de couleur gris bleu à gris vert foncé sur le dos, avec des flancs et un ventre argentés. La première dorsale est composée de rayons épineux courts et robustes, la deuxième dorsale et l’anale sont à peu près symétriques. Le corps et les  opercules sont couverts de petites écailles cycloïdes. La marque sombre à la naissance des pectorales est caractéristique et permet d’identifier facilement cette espèce. La période de frai dure environ deux mois, entre avril et juin. La taille moyenne varie entre 50 et 80 cm pour un poids de 3 à 7 kg, le record se situant autour des 120 cm et environ 20 kg !

Pêche en mer du tassergal

 Une répartition planétaire

Ce poisson est quasiment présent partout dans le monde. Les tassergals sont de grands prédateurs de la zone océanique. Ils sont typiques des eaux tempérées et chaudes des grands océans ainsi que du sud de la Méditerranée. On les trouve aussi bien aux États-Unis qu’au Mexique et en Argentine, et sur certaines côtes africaines. Ils sont en revanche absents dans le Pacifique. En Europe, ils prolifèrent surtout dans la mer de Marmara, dans le Bosphore et dans la mer Noire. Sur les côtes méditerranéennes, ils sont très présents en Espagne et certains bancs remontent en été jusqu’à nos côtes et sont observés chaque année au large de la Camargue, dans les Bouches du Rhône, le Var et les Alpes-Maritimes.

Pour la petite histoire, il y a quelques années, le tassergal était commun en Atlantique Ouest dans le Golfe de Gascogne et plutôt assez rare en Méditerranée. Aujourd’hui, c’est exactement le contraire, il abonde dans la Grande Bleue d’avril à novembre et il est beaucoup moins abondant en Atlantique.

Son mode de vie

Pour de nombreux pêcheurs et scientifiques, le tassergal est sans doute le plus féroce, le plus sanguinaire des poissons marins et sa voracité est telle qu’elle a pu être comparée par Baird en 1872 “à une machine à hacher animée dont le travail serait de couper et de détruire le plus de poissons possible en un minimum de temps”. Cette réputation qui lui incombe est due notamment à sa fameuse mâchoire qui coupe littéralement en deux ses proies. Il n’est vraiment pas rare de voir à la surface un mulet, une daurade coupés en deux et flotter en agonisant après le passage d’un banc de tassergals.

Les tassergals se déplacent par groupes plus ou moins importants, nageant près de la surface à la recherche ou à la poursuite des bancs de poissons-fourrage d’une taille souvent égale à la leur. Ils ne sont pas sélectifs, les poissons de toutes sortes leur conviennent, mais ils s’attaquent de préférence aux poissons migrateurs se déplaçant par bancs nombreux et qui leur offrent ainsi une proie facile et abondante : maquereaux, sardines, anchois, harengs, chinchards, mulets, orphies, bogues, bref tout ce qui a des nageoires…

On les compare quelquefois à une bande de loups affamés qui se déplacent, détruisant tout et laissant derrière eux une piste marquée par les poissons de toutes sortes blessés ou tués qu’ils n’ont pu avaler et qui se débattent encore, ou flottent dans les eaux teintées de leur sang.

Leur voracité est telle qu’ils ne se contentent pas de dévorer à satiété : leur estomac plein, ils dégorgent rapidement le poisson pris et recommencent ainsi pour être plus à leur aise. Le tassergal n’avale pas réellement sa proie, il en prend une portion. Il ne fera qu’une bouchée d’un poisson de petite taille, mais, pour les plus gros, il mordra dedans et en sectionnera un morceau. Il ne cherchera pas à achever sa victime, mais l’abandonnera toute mutilée pour attaquer une autre proie qui subira le même sort. Les tassergals sont même capables de s’attaquer entre eux et poursuivent leur proie jusqu’au bord de la plage. Certaines fois, vous pouvez voir des mulets ou autres poissons qui viennent s’échouer et mourir sur le sable.

L’examen de contenus stomacaux de tassergal a montré qu’ils ne se contentent pas seulement de poissons, mais qu’ils peuvent manger également des céphalopodes, des décapodes, des crustacés et même des vers.

Les jeunes tassergals sont aussi voraces et aussi féroces que les adultes.

Pour l’anecdote, en juillet 2006, un jeune garçon de 7 ans s’est fait attaquer en Espagne près d’Alicante sur la plage par un tassergal et des récits de pêcheurs en kayak se faisant entourer de tassergals (attirés par les pales des hélices) ne sont pas rares non plus.

Pêche en mer du tassergal

 Quand et où trouver ce redoutable prédateur ?

Comme on l’a vu ci-dessus, le tasssergal est présent sur nos côtes à partir du mois de juin. Néanmoins, la meilleure période pour le pêcher s’étale entre juillet et octobre et même novembre dans certaines parties de la Méditerranée.

La pêche peut se pratiquer aussi bien du bord (sur la plage ou les jetées) qu’au large en bateau.

Bien qu’on puisse le pêcher à n’importe quel moment de la journée, les périodes les plus propices sont souvent le lever et le coucher du soleil.

Les meilleures zones se situent souvent dans les grands chenaux sous-marins et les embouchures de fleuves car c’est là que se rassemblent la plupart du temps les bancs de poissons fourrage. C’est donc là qu’il faudra rechercher en priorité ce grand prédateur qui sera toujours proche des grands bancs de sardines ou d’anchois.

La plupart du temps, il est assez simple de les repérer en surface, grâce aux chasses et à l’activité des oiseaux. Lorsque les chasses ne sont pas visibles, sachez que l’utilisation d’un sondeur peut être utile afin de visualiser les bancs de fretin proche du fond qui immanquablement attireront les tassergals.

La prospection des bordures aux leurres de surface peut vous permettre de rapidement déceler leur présence. Ils peuvent en effet mordre depuis la surface jusqu’à une cinquantaine de mètres de profondeur. Peu importe la nature du fond, vous le trouverez aussi bien au-dessus de la roche, du sable, de la vase ou des herbiers.

Un bon conseil, sachez que quelquefois, lorsque les pêcheurs professionnels rentrent en nettoyant le pont ou leurs filets, les tassergals prennent très vite l’habitude de suivre ces bateaux qui amorcent dans leur sillage ; placez-vous alors à l’arrière de ces bateaux, vous pourriez avoir quelques surprises…

Voici une toute petite liste non exhaustive des meilleurs coins en Méditerranée :

> en Espagne : le delta de l’Ebre et l’embouchure de la Turia au Sud de Valence ;

> en France : tous les estuaires, mais surtout les embouchures de tous les fleuves présents du Var à l’Hérault.

Pêche en mer du tassergal

La pêche du tassergal aux leurres

Ce poisson peut être pêché de différentes façons. Que ce soit au vif, en surfcasting et même au streamer à la mouche, tout est possible. Toutefois, nous ne parlerons ici que de sa pêche avec des leurres car c’est sans doute la technique qui vous rapportera le plus régulièrement des poissons et surtout le plus d’émotions. En effet, quel plaisir de voir surgir derrière son popper ou son stickbait, 3 ou 4 tassergals qui se ruent sur le leurre et de le combattre ensuite sur du matériel assez léger et de profiter ainsi de chaque minute ! Ce poisson est tellement vorace qu’il m’est arrivé à plusieurs reprises de capturer deux tassergals sur le même leurre !

 Un matériel dimensionné pour profiter au maximum

Vous l’aurez compris en lisant le mode de vie du tassergal, c’est un adversaire redoutable et féroce. Il est donc préférable de posséder un bon équipement car le combat peut vraiment être rude avec des sauts de plus d’un mètre et des accélérations brutales. Cependant, comme le poids moyen sur nos côtes est de 1 à 3 kg et ne dépasse que très rarement les 7 ou 8 kg, une canne pouvant propulser des leurres de 10 à 40 gr et d’une puissance de 8 à 25 lbs suffira amplement. Il est important qu’elle soit assez souple afin d’amortir les rushes et les sauts, surtout avec l’utilisation de la tresse, cela vous évitera de nombreux décrochages. Une longueur comprise entre 2,10 et 2,40 mètres et un moulinet d’une puissance 2 000 à 3 000 seront l’ensemble idéal. Pour ma part et pour profiter pleinement du combat, je n’utilise que des cannes Médium ou Médium light et des moulinets 2 500. Voici un exemple de combo que je vous conseille et que j’utilise avec beaucoup de plaisir : canne Penn Conflict Inshore Medium Light 761, moulinet Penn Spinfisher 2 500, tresse 14/100e.

Concernant la ligne, la tresse est à privilégier par rapport au nylon car elle vous permettra de jeter bien plus loin. Cette tresse doit être comprise entre 12 et 25 lbs, soit un diamètre de 14 à 20 mm. Le shockleader est indispensable, vous pouvez utiliser un bas de ligne en fluorocarbone. Étonnamment, j’ai connu assez peu de casse lorsque je pêche le tassergal malgré sa mâchoire redoutable car ils n’avalent que très rarement. J’utilise donc un fluorocarbone de 30 lbs ce qui est largement suffisant dans la plupart des cas. Pour éviter justement les casses, veillez bien à tenir la ligne toujours tendue car, non seulement il saute, mais quelquefois il peut venir saisir le fil au-dessus du leurre et il le coupera alors instantanément !

Pêche en mer du tassergal

Pas trop regardant sur les leurres

De multiples leurres pourront vous permettre d’attraper ces poissons. Souples ou durs tout peut convenir :

> leurres de surface : pour moi, la pêche aux leurres de surface est certainement l’une des plus efficaces et des plus amusantes pour rechercher le tassergal. Elle vous permettra surtout de faire une prospection rapide et de voir, ou pas, la présence des poissons.

Que ce soit au popper ou au stickbait, pas besoin d’utiliser de grandes tailles. L’idéal se situe le plus souvent entre 10 et 15 cm. Les coloris blancs, naturels et chartreuses semblent déclencher le plus de touches ;

> jerkbaits et leurres souples : si vous voyez des suivis ou des refus, n’hésitez pas alors à pêcher avec de petits jerkbaits ou des leurres souples qui seront tout aussi efficaces que les leurres de surface, voire plus dans certaines occasions (notamment les chasses) ;

> petits jigs : sachez aussi que lorsque les tassergals ne chassent pas qu’en surface et si vous repérez un banc au sondeur, vous pouvez aussi faire descendre un jig au fond, ça peut toujours servir…

Une animation plutôt rapide

Pas besoin d’être un expert du maniement des leurres lorsque c’est l’euphorie et que les poissons chassent de partout. Il suffit juste d’être précis et de jeter dedans, la touche ne se fait généralement pas attendre ! Lorsque les conditions sont plus difficiles et les poissons discrets, je vous conseille, au popper comme au stickbait, d’exercer une animation rapide avec des arrêts. J’ai aussi obtenu de nombreuses touches au popper en ramené linéaire et très rapide. Les tassergals sont de véritables fusées et suivent souvent à plusieurs donc, plus ça va vite, et plus il y a de bruit et de mouvements, plus ils attaquent !

Maintenant, à vous d’aller affronter ce monstre sanguinaire… Juste un dernier conseil : lorsque vous allez sortir le tassergal de l’eau, utilisez un fishgrip ou des gants. Les mâchoires sont de véritables rasoirs et vous pourriez perdre un doigt. Pour faire une belle photo, attrapez-les par la caudale et soyez très prudent.

Pêche en mer du tassergal

Une pêche “d’opportunité

Comme nous l’avons vu plus haut, le tassergal est assez discret et ne se montre qu’en de rares occasions qu’il ne faudra pas louper. La meilleure saison et la plus régulière reste l’été, mais quelquefois, le printemps et l’automne pourront vous apporter des pêches fantastiques.

La plupart des belles pêches de tassergals que j’ai eu la chance de faire se sont toutes déroulées un peu par hasard. En effet, je partais généralement pêcher le loup, la liche ou d’autres prédateurs et c’est sans m’y attendre que je suis tombé sur les plus belles chasses de tassergals. Mais, avec ces multiples expériences, j’ai pu recouper des informations qui me permettent aujourd’hui de laisser moins de places au hasard.

Pour bien expliquer ce phénomène, je vais vous raconter le tournage de la vidéo que vous allez trouver jointe à ce reportage. Cela fait de nombreuses années qu’avec Christian Cano (rédacteur de Côt&Pêche), nous avons en tête un reportage vidéo sur le tassergal, mais nos agendas personnels et les fenêtres météos faibles nous en ont empêchés. Mais dernièrement, au vu de la saison et du fort coup de vent qui est annoncé, j’appelle Christian et lui annonce que je sens bien une frénésie de tassergals… C’est donc au pied levé qu’il me rejoint le lendemain pour une séance de guidage qui va s’annoncer épique !

Le vent souffle assez fort avec des rafales entre 40 et 50 km/h. Nous arrivons dans l’embouchure et nous apercevons déjà au loin une nuée d’oiseaux… Ça sent plutôt bon ! À la vue des sauts des poissons, pas de doute, il s’agit bien des tassergals, mon instinct ne m’a pas trahi. Les cannes légères M et ML avec de petits moulinets en 2 500 et tresse en 14/100e sont montées avec de petits jerkbaits. Nous sommes prêts pour de fantastiques combats. À peine arrivé sur la chasse et les leurres à l’eau que deux de mes stagiaires sont aux prises avec deux superbes tassergals, c’est parti. Le combat est intense. Un des deux poissons est bien plus gros que l’autre et donne bien du fil à retordre. Le rush ne s’arrête pas, le poisson remonte le courant et le moulinet se vide sans cesse. Au bout de 5 minutes, le premier poisson d’environ 3 kilos arrive au bateau, mais l’autre continue son festival. Malheureusement, après plus de 10 minutes d’intense combat et dans un ultime saut qui nous permet de l’estimer à 6 ou 7 kilos, le poisson se décroche.

Nous repartons sur la chasse et c’est de la folie. Les tassergals sautent littéralement hors de l’eau. Ils sont très éparpillés sur plusieurs dizaines de mètres. Nous jetons à nouveau dans la mêlée et c’est un nouveau doublé de poissons de 2 à 3 kilos. Les chasses continuent toujours plus impressionnantes les unes que les autres. Nous enchaînons avec un superbe triplé de poissons compris entre 3 et 5 kilos ! Nous sommes doublement comblés par à la fois le plaisir de la pêche et le sentiment du devoir accompli en ayant réussi ce reportage qui n’était pas gagné d’avance.

Nous continuons à pêcher les tassergals, mais mon regard est attiré un peu plus au large. Je distingue alors clairement quelques énormes splashes caractéristiques des chasses de thons. Nous n’étions pas partis pour cela, mais lorsqu’on parle d’opportunité, il faut toujours saisir ce que la nature nous donne ! Nous sommes à moins d’un mille des côtes et les thons sont partout ! C’est la magie de l’embouchure du Rhône et de sa richesse halieutique due à cette particularité géologique. Ce n’est pas un hasard si je me suis installé ici car, pour moi, ce site est tout simplement exceptionnel et n’a rien à envier aux meilleurs spots de pêche de la planète. Nous enchaînons en à peine 3 heures de pêche une dizaine de thons de 15 à 35 kg. Passant ainsi de triplés de tassergals à des doublés de thons, le tout sous l’œil de la caméra de Christian qui est autant aux anges que nous… juste un peu frustré de ne pas avoir pu pêcher ! ◆

Pêche en mer du tassergal