Thierry Breysse : le “peintur’leur” qui sublime la pêche

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On dit toujours de lui qu’il est doué de ses mains ! Mais bien plus encore, il est doué d’imagination ! Bricoler, inventer, créer, transformer, réparer… Thierry Breysse ne débranche jamais les piles de sa créativité,et encore moins la nuit ! Cet amoureux de nature, de mer, de rivière, de pêche, de poissons, de leurres, de couleurs, d’espace, de grandeur et de liberté est un authentique passionné qui ne fait jamais dans la demi-mesure pour chaque chose qu’il entreprend. Il suffit de regarder ses “tableaux” pour le comprendre instantanément : des œuvres à la taille de l’originalité et du cœur qu’il met à l’ouvrage !

Dire que Thierry Breysse sait tout faire est à peine exagéré ! Construire une maison, réparer un trac-teur, installer des lignes téléphoniques (son activité purement alimentaire !), concevoir des flotteurs de surf en résine, plonger, pêcher, fabriquer des leurres uniques (ses TB’Lures que les aficionados font “scintiller” dans toutes les mers du globe !) et tant d’autres choses. Mais il y avait une chose qu’il n’avait même jamais imaginé faire : peindre ! Jusqu’à ce jour d’anniversaire en 2003, où sa femme, Sylvie, lui offre un chevalet, des peintures, des pinceaux et des couteaux, bref la parfaite panoplie du peintre qui s’ignore encore ! Il faut dire qu’en cette année difficile, un accident cardiaque vient de le priver à tout jamais d’une de ses plus grandes passions : la plongée sous-marine. En recevant ce cadeau, Thierry ne sait pas encore à quel point ces deux univers fusionneront en une source intarissable d’inspiration et bien plus encore : la révélation d’un don !

Peinture pour les pêcheurs

DESSINE-MOI UNE POMME !

En perfectionniste qu’il est, Thierry Breysse n’envisage pas d’entreprendre cette nouvelle activité picturale sans en apprendre les rudiments. “Je me suis donc inscrit aux Beaux-Arts en pensant que j’y trouverais les réponses à mes attentes, explique-t-il, enchaînant aussitôt : mais ça ne m’a pas plu du tout ! Dessiner une pomme posée sur une table, c’était pas mon truc et d’ailleurs je n’y arrivais pas du tout ! Moi, quand je vois une pomme sur une table, j’ai plutôt envie de la manger que de la peindre !” (rires). Thierry comprend vite que l’apprentissage académique n’est pas la bonne voie et se tourne vers la solution plus “sur-mesure” du cours particulier. “J’ai trouvé un jeune, pourtant issu des Beaux-Arts, mais qui me laissait une totale liberté d’expression. Je partais d’une idée, et au fur et à mesure que je peignais, il m’expliquait les choses sans jamais me les imposer, me corrigeait, me conseillait. Puis, d’un coup, il me tournait mon tableau dans un autre sens et ça faisait naître une nouvelle idée qui n’avait absolument rien à voir avec mon travail de départ. Ma peinture évoluait au fil de mes inspirations, sans aucune limite. Ce jeune peintre, qui est d’ailleurs devenu un ami, m’a ouvert les portes de mon imagination qui m’ont conduit dans cet univers de la peinture. Si j’étais resté aux Beaux-Arts, le chemin se serait sans doute arrêté à la pomme” !

Peinture pour les pêcheurs

TABLES DE MATIÈRES

Thierry Breysse prend donc, avec son jeune professeur, trente heures de cours où il découvre avec bonheur et enthousiasme les différentes techniques de la peinture acrylique, à l’huile, au pinceau, au couteau. Il s’essaye à l’abstrait, au portrait, aux paysages, “j’ai même peint des taureaux” s’amuse-t-il ! Il participe à des expositions dans les villages aux alentours de Pézenas où il réside, et remporte quelques prix qui confortent son envie d’aller plus loin. Mais de ces premières expériences émergent surtout deux tendances fondamentales qui vont, au fur et à mesure, révéler l’âme de l’artiste : son goût pour varier et mélanger les matières, et son inspiration sans limite pour peindre des poissons.

“Au fil du temps, j’ai tenté plein de choses. Je me disais que ce que j’arrivais à peindre sur la toile, je pouvais aussi le faire sur d’autres matières. C’est comme ça que j’ai commencé à travailler sur des supports très différents, en bois, en métal, sur des bâches plastiques, sur des murs… J’aime ces variantes, ces alchimies entre matières et peintures qui apportent à chaque fois leur lot de surprise, d’inattendu, de magie !” commente notre apprenti sorcier. À l’évidence, une toile immaculée et lisse lui paraît aujourd’hui bien insipide pour y ancrer ses œuvres, lui qui peint plus aisément sur des grands formats (se mesurant plutôt en mètres qu’en centimètres), résurgence évidente de l’immensité des fonds marins qu’il n’a jamais oubliés ! Peindre des poissons disions-nous… est-il encore besoin de s’interroger sur la profondeur de ses inspirations lorsque ses tableaux se peuplent de ces sujets aquatiques, dans un ballet coloré et gracieux ? “C’est la plongée qui a déclenché cette envie de peindre des poissons, confirme-t-il. Toutes ces images sont restées gravées dans ma tête et il fallait que je leur redonne vie, que je retrouve ces sensations enivrantes d’une plongée dans le monde des abîmes. Ce monde où je me lâche, je me libère, je n’ai plus de limite, je suis libre”.

Peinture pour les pêcheurs

INSPIRATIONS NOCTURNES

Entre son job de technicien chez Orange, et la réalisation de ses leurres en résine faits main (TB’Lures est la marque qu’il a créée depuis 2000), les journées de Thierry Breysse sont déjà amplement remplies. C’est donc le plus souvent le soir, voire la nuit, que l’artiste se consacre à ses peintures. Au gré de ses envies, Thierry transforme son atelier de fabrication en atelier de création, et profite de la quié­tude nocturne pour ouvrir les portes de son imaginaire, porté par un fond musical qui affûte ses sens : un petit Led Zeppelin par-ci, un petit Pink Floyd par-là, les groupes mythiques de sa jeunesse rythment sa plongée picturale dans le monde du silence ! Le voyage peut alors commencer… C’est un véritable ballet de matière et de couleurs qui s’orchestre et envahit l’espace. Dans un effet de mouvement savamment travaillé au couteau, des bancs de poissons se forment, s’en­­che­vêtrent, s’harmonisent et animent les fonds marins qui les accueillent.

“Pour moi, peindre un tableau est un peu comme une frénésie. Lorsque je commence et que l’inspiration m’envahit, je perds la notion du temps. Je peux peindre quatre, cinq heures, ou toute la nuit comme par exemple cette fois où j’ai réalisé une fresque entière sur l’un des murs de ma maison. Mais lorsque j’arrête de peindre, je suis totalement vidé, épuisé, comme après une plongée bouteille de plusieurs heures ! À l’inverse, il m’arrive d’attaquer un tableau et rapidement me rendre compte que c’est mal parti. Dans ce cas j’arrête tout parce que je sais qu’il n’en sortira rien de bien”.

Et si la nuit Thierry Breysse ne peint pas, il rêve… de croquis, de dessins, de nouveaux leurres ou de nouvelles toiles ! Le repos de l’esprit n’est visiblement pas fait pour celui qui se contente de quatre à cinq heures de sommeil pour recharger ses batteries.

Peinture pour les pêcheurs

L’ŒUVRE DU TEMPS POUR LE TEMPS D’UNE ŒUVRE

L’histoire ne nous dit pas si l’idée est sortie de ses rêves ou de ses conscientes pensées, mais elle lui aura “trotté dans la tête” pendant près de huit ans avant de prendre vie ! Huit années pendant lesquelles Thierry a mis sa peinture entre parenthèses, trop accaparé par l’activité débordante de sa petite entreprise de fabrication de leurres, surtout depuis qu’un mentor lui a livré, il y a 4 ans, les secrets d’une résine unique au monde et l’art de la travailler ! Maintenant que notre perfectionniste en a la parfaite maîtrise, l’artiste ressort des cartons son projet dont l’originalité colle au personnage : marier des “toiles” en métal avec des leurres en résine pour créer des bancs de poissons en relief. À travers cette idée, Thierry Breysse poursuit son œuvre originale en l’inscrivant cette fois dans une autre dimension où les notions de mouvement, de grandeur et de liberté prennent tous leurs sens.

Lorsque Thierry achète ses fournitures, c’est donc chez un métallier qu’il se rend pour faire découper sur-mesure et façonner ses toiles métalliques. Une fois qu’il les a acheminées dans son atelier, la première étape consiste à laisser le Temps (à la fois météorologique et temporel) faire son œuvre : “le métal est une matière qui vit, qui réagit, aux intempéries, à la chaleur, au froid, à son environnement. Généralement, j’entrepose mes supports dehors et je les laisse rouiller”, confie Thierry.  Lorsqu’il juge le support corrodé à souhait, il y appose sa première base acrylique de couleurs, à la bombe ou au pinceau. C’est alors que commence le processus créatif où se mêlent l’instinct de l’artiste et la part de magie. “Avec du papier de verre à l’eau, je ponce le métal et là, les couleurs se révèlent, se mélangent, différemment à chaque passage. C’est comme si je grattais une surface et qu’en-dessous je découvrais un trésor ! s’émerveille l’artiste.  Au fur et à mesure que je vois mes couleurs ressortir, ça devient une nouvelle source d’inspiration. Parfois, je peux poncer un tableau une vingtaine de fois et le laisser reposer dehors avant de le reprendre. Jusqu’au moment où je me dis : Thierry il faut que tu t’arrêtes, faut plus y toucher parce que tu ne pourras pas le refaire” !

Si Thierry Breysse a développé un procédé, qui lui est propre, l’autodidacte se réjouit pourtant de ne pas en maî­triser toute la technicité : “Je ne sais pas créer des couleurs mais j’adore me laisser emporter par l’alchimie des mélanges, la magie de ces instants où se révèlent sous mes yeux des tonalités, des nuances, des formes qui me surprennent. Le tableau se construit au fil de ces découvertes et c’est ça que je trouve fabuleux”.

Peinture pour les pêcheurs

DES TABLEAUX VIVANTS

Une fois achevée, la “toile de fond” est prête à y accueillir ses “sujets”. Chaque poisson est conçu pièce par pièce. “Avec le même procédé que pour la fabrication de mes leurres, je crée des poissons en résine à partir d’un moule assez simple, de la forme d’une petite sardine. Je les ponce, je les polis, je les peins à l’aérographe avec des peintures spéciales qui permettent de garder l’effet translucide. Je choisis leurs couleurs en fonction du fond qui les accueillera. Là encore, il y a mille possibilités de décliner mes sujets et c’est pour ça que j’adore travailler cette matière : jouer avec les nuances, les nacres, les pigments, les paillettes, la transparence et une finition parfaite. Tout comme mon fond en métal, le champ de la créativité est sans limite et pour moi, c’est juste fabuleux”, exulte Thierry.

Le décor planté, reste alors l’inspiration du metteur en scène qui donnera vie à l’œuvre : doté d’un système discret d’aimantation, chaque poisson vient prendre place sur le décor métallique, et dans une ondulation harmonieuse, le banc se dessine, se forme, se peuple de plusieurs dizaines d’individus, parfois près d’une centaine, naviguant d’un support à l’autre lorsque l’ouvrage se décline en diptyque ou triptyque ! Les aimants d’une taille variable permettent de jouer sur l’épaisseur du relief et lorsque la lumière vient sublimer l’œuvre, le jeu d’ombres fait éclater le jeu des couleurs dans une féérie multi-dimensionnelle…

Incontestablement, on peut dire que Thierry Breysse a trouvé l’art d’un nouveau genre, à mi-chemin entre la peinture et la sculpture. Mais bien plus encore, il crée des tableaux vivants où chaque pièce amovible peut changer de place, où l’ensemble peut changer de forme et d’intention, où chacun peut en devenir l’acteur. Une œuvre éphémère qui se recompose dans un infini changement, cette liberté d’occuper l’espace si chère au cœur de son auteur !

Peinture pour les pêcheurs