Le turbot appartient à la famille des Pleuronectiformes, c’est-à-dire à l’espèce des poissons plats. Son petit nom scientifique n’est autre que le Scophtalmus maximus et, pour faire simple, nous le nommerons turbot. Selon les régions, on le retrouve parfois sous la dénomination de turboden (Manche et Atlantique), clavetat (Méditerranée), de flétan du Groenland (Canada)…
Il est important de bien connaître sa cible quand on va à la pêche. Et notamment de maîtriser parfaitement ses comportements et zones de vie. Le turbot est un poisson benthique (qui vit sur le fond) et il y repose sur sa phase droite (donc avec les yeux à gauche). On le trouvera sur des zones de sable, ou mixtes (vase, sable, roche), et sur des fonds allant de 10 à 150 mètres. Cela déterminera notre zone de pêche, nous y reviendrons plus loin dans cet article.
Ce poisson peut mesurer jusqu’à un mètre, même si ces turbots deviennent malheureusement bien rares (comme tout poisson de fond, il est souvent victime des filets maillants qui drainent la côte). Sa taille moyenne variera de 30 à 60 cm, ce qui offre de très belles touches et de magnifiques combats. Camouflé sur le fond par mimétisme, il attend ses proies, mais est tout à fait capable de chasser entre deux eaux.
Le turbot est un vrai prédateur qui se nourrit essentiellement de petits poissons (vive, sprat, hareng, merlan et surtout… lançon). Son régime sera complété par quelques crustacés et mollusques. Son alimentation est particulièrement importante à connaître, car elle déterminera le choix des leurres et des appâts ; nous y reviendrons également plus loin.
La reproduction a lieu de mars à avril sur nos côtes. Le mâle atteint sa maturité sexuelle à environ 4 ans (25 cm) et la femelle à 5 ou 6 ans (35 à 40 cm). On notera ici une incohérence avec la maille de capture autorisée de ce poisson qui est fixée à 30 cm… La ponte de 1 à 3 millions d’œufs est pélagique, autrement dit, les œufs, lâchés dans des zones assez profondes (autour de 50 m), partiront dans le courant pour éclore au bout de 6 à 12 jours. C’est vers 2 à 3 mois que les yeux “glisseront” sur la partie gauche de son corps et qu’il adaptera un comportement benthique pour le reste de sa vie.
Nous connaissons maintenant bien ce poisson, il ne nous reste plus qu’à partir sur l’eau pour le pêcher. C’est ici que le plaisir commence pour nous.

COMMENT TROUVER LES BONS SPOTS À TURBOT ?
La première question qui se pose à nous est “où pêcher ce poisson”, quelles sont les zones propices à sa capture.
La connaissance de son habitat est particulièrement importante. Nous l’avons vu, pour simplifier, c’est un poisson benthique qui vit posé sur le sable et qui n’hésite pas à chasser ses proies comme un véritable prédateur. Je me souviens d’ailleurs d’un de mes plus gros turbots, pris au leurre souple à 15 m sous le bateau, alors qu’il y avait 40 m d’eau. Un regard sur le sondeur et nous avons vu sa trace depuis le fond. Quel chasseur !
Une lecture des cartes marines s’impose pour trouver les zones de sable “pures” ou proches des roches ou des graviers. Ces deux sédiments apporteront de la nourriture alors que le sable apportera l’environnement idéal pour le camouflage.
Pour ce qui est des zones sableuses, la cible idéale est le ridin (ou ridain). Ce terme “ridin” fait référence à une formation du fond marin souvent localisé dans les zones de côtes ou de semi-large. Il se forme par accumulation de sable formant ainsi une “ride” au fond de l’eau. C’est un ensemble de crêtes, perpendiculaires au jusant, formées par le courant marin, au moment de la marée montante ou descendante. Celle-ci va entraîner les grains de sable qui vont s’accumuler pour former ces “minis monts” sous-marins. Attention, ces spots bougent tout le temps au gré des grandes marées ou des tempêtes. La prospection sera utile en permanence.
Ces spots sont assez facilement repérables sur les cartes marines. Ils ressemblent souvent à des langues ou de longs bancs de sable qui remontent très fortement dans la couche d’eau.
Cette vision est d’autant plus simple en utilisant les visions 3D offertes sur le net par le SHOM ou par nos applications de cartographie comme Boating. Vous voyez très bien sur l’image suivante, le même ridin qui ci-dessus, mais qui se détache parfaitement. Nous verrons dans le chapitre technique, comment aborder les ridins pour bien pêcher : dérive ou ancre ?
Maintenant que nous savons où aller pêcher, voyons quelles sont les techniques les plus efficaces mais aussi les plus ludiques pour attraper ce poisson. Les techniques de pêche sont nombreuses et parfois étonnantes. Par goût, je ne cherche pas toujours la plus simple, mais plutôt la plus ludique. Chacun pourra faire son choix en fonction de ses goûts et de ses envies..
COMMENÇONS PAR LA TECHNIQUE LA PLUS BASIQUE : LA PÊCHE AUX APPÂTS NATURELS
Première étape, les appâts ! En effet, ils détermineront votre pêche. Soyons clairs, beaucoup d’appâts naturels fonctionnent comme les fleurettes de maquereau, les blancs de seiche, les morceaux de sardine… mais l’idéal sera d’avoir des lançons vivants. Bonne nouvelle, les lançons vivent souvent sur les ridins. Seul inconvénient, ils sortent quasi exclusivement au moment de l’étale. Il faudra donc caler votre sortie autour de ce timing.
Pour les pêcher, rien de plus simple ! Une mitraillette à lançons avec des imitations de petits alevins, une plombée en bout de ligne et vous n’avez plus qu’à dandiner sur les 2 derniers mètres proches du fond. Vous aurez le plaisir de les remonter par 2 ou 3. Si tout se passe bien, en 20 minutes, vous aurez votre stock. Attention toutefois à bien oxygéner votre vivier si vous souhaitez les conserver bien vivants (ce qui est largement préférable).

Vous pouvez maintenant positionner votre bateau à un bout du ridin et à vous laisser dériver en travers de celui-ci. Je ne vous conseille pas la pêche statique à l’ancre, quelles que soient les techniques que nous verrons ci-dessous. L’ancre oblige à surplomber sa ligne ou son leurre pour coller le fond. Pêcher lourd est toujours source de touches manquées, car le poisson est sensible à toute résistance.
À chaque dérive, n’hésitez pas à vous décaler d’une quinzaine ou vingtaine de mètres, vous constaterez que les turbots vivent souvent en bancs serrés et assez précis en positionnement. Une fois trouvé, marquez votre point, vous retrouverez très régulièrement le poisson sur le même spot.
Le bateau est bien positionné, passons au matériel, au montage et à l’animation.
N’hésitez pas à utiliser des cannes puissantes entre 2 et 3 mètres. Il ne faut pas oublier que les plus gros spécimens de turbots peuvent dépasser les 10 kg. Autant pour vous dire qu’il sait très bien utiliser les courants pour sembler bien lourd au bout de la ligne. J’ai un faible pour le casting qui permet de bien sentir les touches. Une canne de puissance 20-80 gr semble un bon compromis avec le moulinet adéquat. Vous garnirez celui-ci de tresse PE 1.5, toujours pour bien ressentir les touches. Préférez la tresse multicolore (changement de couleur tous les 10 mètres et une marque à chaque mètre) qui vous permet de savoir comment vous positionner par rapport au fond.

Reste à ajouter deux ou trois mètres de fluorocarbone 30 lbs et vous êtes prêts pour le montage.
Celui-ci est relativement simple et nous verrons plus bas les alternatives. En premier lieu, passez un antitangle (coulisseau) sur votre fluoro. Il vous servira à éviter les emmêlements et à accrocher votre plomb entre 30 et 80 gr selon le fond et le courant. Je vous conseille de glisser ensuite une petite bille molle qui fera amortisseur pour éviter que l’antitangle tape sur le nœud de votre émerillon.
Justement, parlons de cette bille et de sa couleur.
Le turbot est un poisson très curieux, n’hésitez pas à utiliser le rouge, jaune, fluo voire phosphorescent ! Idem pour votre plomb, la couleur attirera le poisson vers votre appât.
Vous pouvez maintenant fixer un émerillon baril sur votre ligne. Sur celui-ci, vous ajouterez un gros mètre de fluoro de même diamètre avec un hameçon numéro 2/0 à 4/0 à pointe rentrante pour permettre l’auto ferrage. Il vous reste à escher le lançon par le nez très délicatement et à le descendre bien vivant. Pour cette technique, peu d’animation à prévoir, si ce n’est quelques tirées lentes de temps en temps sur la ligne.
Vous serez surpris, la touche est violente et généralement le lançon est happé totalement dans la large gueule de ce poisson plat. Votre ferrage devra être rapide sans être instantané ; en revanche, il devra être d’autant plus appuyé que vous pêchez profond. Il vous reste maintenant à combattre la puissance de ce poisson qui, dans un premier temps, va se coller au fond et, dans un second, utiliser le courant pour mettre son corps aplati en travers et vous offrir de la résistance.
Quel plaisir que de tenir entre ses mains ce magnifique (et délicieux) poisson.

UNE VARIANTE EN UTILISANT LES LEURRES APPÂTS !
Leurre-appât, kézako ? Si je vous dis madaï, tenya, kabura, bait slider, vous situez mieux ?
Ces leurres vous permettent de descendre rapidement un appât quel qu’il soit sur le fond, mais il offre aussi des artifices qui vont attirer les poissons curieux comme le turbot. Mes deux préférés seront le Bait Slider de K-One et le madaï fixe comme le JLC Nautilus 2.0.
Voyons ensemble les avantages de ces systèmes. Le Bait Slider vous autorise de traîner sur le fond en diminuant fortement les accros grâce à sa forme de bateau. Le plomb glisse en emportant l’appât derrière lui. Contrairement au montage ci-dessus, le lançon sera juste derrière le plomb et derrière ce nuage de sable ou de vase soulevé par le plomb. Autre avantage, l’agrafe permet d’attacher solidement le lançon à votre ligne sans crainte de se le faire chaparder par un poisson malin. Enfin, vous retirerez le système de double hameçons fait pour le crabe et vous y ajouterez un hameçon court pour la tête et un long pour la queue du lançon. Ce montage a cet avantage d’éviter les loupés lorsque le turbot attaque la queue de votre lançon. Vous avez ainsi une sorte d’hameçon chance pour vous aider.
Avant de parler de l’animation, voyons ensemble le montage avec un madaï. Ces deux leurres-appâts s’animent de la même façon. Nous recherchons toujours à descendre au fond et à y rester, tout en provoquant le moins de retenue dans la ligne pour que le turbot ne sente pas la résistance d’un plomb qui peut parfois être lourd. Pour le madaï, comme pour le montage ci-dessus, nous opterons pour un montage coulissant. J’aime utiliser les madaïs de chez JLC type nautilus 1/0 ou 2/0 car ils sont vendus nus et permettent de les adapter à chaque style de pêche. Le madaï sera, cette fois, monté sur un fluoro d’environ 1 mètre ; sur celui-ci, je vais ajouter des billes de couleurs et phosphorescentes et une dernière bille molle pour amortir le poids du madaï. En effet, cette fois on ne va pas jouer dans la discrétion, mais dans le clinquant et dans les paillettes. En utilisant le madaï, on joue à fond la carte de la curiosité du turbot, alors aucune hésitation. Derrière ce fluoro, on positionne un rolling car le lançon a cette mauvaise habitude de tourner dans l’eau. Nous éviterons ainsi les vrillages nuisibles à la qualité du montage. Optez désormais pour un bas de ligne en fluoro court de 30 à 40 cm, au maximum, sur lequel vous monterez un hameçon 3/0 ou 4/0 où le lançon sera positionné. Il est possible de repositionner 2 ou 3 billes de couleurs et phosphorescentes sur ce bas de ligne pour vraiment jouer l’éclat à fond.

L’ANIMATION DES LEURRES-APPÂTS
Contrairement au montage à la plombée, nous allons animer ces leurres et provoquer, au-delà de la curiosité, les réactions de prédateurs du turbot. Pour cela, on ne va pas se contenter de laisser traîner au fond, mais, très régulièrement, on fera de grandes tirées verticales en donnant un ou deux tours de moulinet pour faire monter le lançon à 2 m environ au-dessus du fond avant de redescendre. Entre chaque tirée, vous laisserez le montage traîner sur une dizaine de mètres. Le jeu consistera à trouver l’ampleur et le rythme de ces animations. D’une journée à l’autre, cela peut réellement changer.
N’hésitez pas non plus à laisser votre lançon à 50 cm ou un mètre au-dessus du fond, vous verrez que les attaques des plus gros poissons se passent à ce niveau et qu’elles sont violentes.

DERNIÈRE TECHNIQUE : LA PÊCHE AUX LEURRES (JIGS ET LEURRES SOUPLES)
Commençons par le jig, son utilisation sera intermédiaire avec la pêche aux leurres souples.
Tout d’abord, le choix du jig. C’est simple, il faut opter pour le jig le plus léger possible en fonction du fond. Il m’arrive souvent de pêcher avec 10 ou 15 gr sur 20 m d’eau. Là encore, on cherche la discrétion en termes de poids. Pour la couleur, j’avoue avoir essayé beaucoup de choses, mais je reviens très vite au bleu. Vous choisirez donc un casting jig léger et bleuté comme une sardine ou un sprat. Il y en a beaucoup sur le marché comme le Biastos de Caperlan, le Swaver de JLC, le Drag Metal Cast de Duo, etc…
Pour l’armement, rien en tête et tout à l’arrière ! Vous pouvez opter pour un bon triple ou 2 assist-hook, je n’ai jamais vu de différence ! Allez, le petit plus, un bout de fleurette de maquereau sur les hameçons fera une nette différence.
Question animation, j’ai été surpris, la première fois qu’on me l’a démontré, le “Do Nothing” ou, bien mieux dit en français, le “ne rien faire” est l’idéal. Traînez ce montage sur le fond en traversant votre ridin et vous serez surpris. Cette fois, pas de ferrage à la touche, laissez le poisson bien engamer avant de ferrer de façon ample. Cette technique a, en plus, l’avantage de vous offrir de belles surprises avec d’autres poissons que le turbot comme les grosses plies, les émissoles, les grandes vives, les rougets… Et même les seiches !
Enfin, lorsque vous constatez une belle activité des turbots, notamment lorsque vous pêchez au madaï et que vous avez de nombreuses touches décollées du fond, optez pour un leurre souple. Ce poisson a, comme beaucoup d’autres, des moments de frénésie et il n’hésitera pas à monter dans la couche d’eau pour chasser de jolis poissons. Vous pourrez opter pour un leurre comme le Fire Eel de Delalande en 13 cm (couleur natural sprat) quand ils chassent les lançons ; et sur un shad classique comme un Swat Shad ou un Black Minnow de 90 à 110 mm quand ils sont sur les sardines ou les sprats.
Pour l’animation, grattez le fond et n’hésitez pas à faire des tractions amples et pas trop rapides. Les touches sont aussi très violentes et les combats toujours lourds et longs.
En conclusion, je peux vous assurer que le turbot vous offrira des sensations merveilleuses pendant vos séances de pêche. C’est souvent un moyen d’occuper l’étale lorsque vous pêchez le bar. Le bar est moins actif et le turbot vient chasser les lançons qui sortent du sable.
Je ne peux terminer cet article sans évoquer le côté gastronomique de cet excellent poisson, au four, poché, meunière, en papillote, en terrine, rôti ou en croûte, poêlé ou semi-poêlé… Vous m’en direz des nouvelles !
Enfin, comme pour tous les poissons, soyons raisonnables et ne prélevons que le nécessaire pour se faire plaisir… L’avenir de notre passion est en jeu.
