Nous aimons tous le surfcasting pour les multiples facettes qu’il nous expose et la pêche du marbré en surfcasting en est une particulièrement intéressante. Qu’il s’agisse de pêcher pour son plaisir ou d’accéder aux plus hauts rangs de la compétition, chacun y trouve de quoi satisfaire ses besoins d’évasion. Comme nous l’a si bien montré Jérôme, certaines pêches en surfcasting savent se révéler extrêmement techniques, pointues et exigeantes pour le pêcheur. Le marbré est un poisson passionnant capable de pousser le pêcheur dans ses derniers retranchements. Apprendre à bien le pêcher permet d’adopter des comportements qui sont bénéfiques à la recherche d’un grand nombre d’espèces.
Il est temps pour moi de t’inviter à pénétrer profondément dans le vif du sujet. Après avoir fait connaissance avec toi, après avoir évoqué le long chemin que nous allons parcourir ensemble, le moment est venu de nous atteler à un objectif très précis : développer une stratégie de pêche pour prendre un poisson. Nous nous appuierons sur notre rubrique « Images de pêcheur » de ce numéro pour aborder une pêche très technique : celle du marbré, ou rayé pour nos amis qui pêchent en Atlantique.
Pour commencer, faisons appel à l’une des sensations profondes que l’on recherche souvent dans la pêche, et pas seulement dans le surfcasting : le besoin d’entrer en communion avec son adversaire. N’as-tu jamais eu le sentiment d’être sorti vainqueur d’une situation pourtant compliquée ? Cette victoire n’est-elle pas la résultante d’une compréhension, ou d’une lecture adéquate d’un comportement spécifique du poisson que tu as trompé ? Je compare volontiers ce genre de situation à un dialogue, une joute intellectuelle entre un animal et un pêcheur. Il est des situations où l’on dialogue véritablement avec son poisson. Lorsque le pêcheur s’ouvre à son environnement, et plus principalement au milieu aquatique, lorsqu’il tente de transposer chaque événement en équation technique alors il a franchi un cap : il est alors capable d’outrepasser les fondations basiques de la réussite pour entrer dans le cercle des pêcheurs d’exception.
Le marbré m’a valu de solides désillusions, à une époque où je pratiquais la compétition. Je me suis souvent pris à me demander pourquoi j’aimais tant ce poisson et pour quelles raisons il avait su développer en moi une passion aussi forte. Je n’ai qu’une envie en écrivant ces lignes : te transmettre ces raisons et t’apporter ce que je connais de ce poisson.
Il existe seulement deux façons de pêcher en surfcasting : mettre des appâts dans l’eau et attendre ce qui voudra bien se pendre sur les hameçons, et partir en pêche avec la ferme intention de prendre une espèce en particulier. La première méthode est malheureusement celle qui est aujourd’hui la plus pratiquée. Il est vrai qu’elle ne demande aucune torture intellectuelle, elle fait confiance à la chance et au destin et, fort heureusement, suffit à prendre des poissons.
La seconde méthode implique de réfléchir aux comportements du poisson que l’on recherche. On peu alors très facilement exclure de son champ d’action une multitude de solutions techniques qui ouvriraient la porte à d’autres espèces. Le marbré est le poisson le plus technique qui soit. Ce n’est pas qu’il soit extrêmement difficile à prendre, mais plutôt difficile à comprendre. Tu peux prendre un marbré, deux, ou dix et penser que tu sais pêcher le marbré. Pourtant, de te mettre en situation d’adversité au milieu de dizaines d’autres pêcheurs te montrera très certainement que savoir pêcher le marbré implique bien plus que ces quelques prises.
Je n’ai pas honte d’avouer que j’ai personnellement pris des « roustes » mémorables en compétition, infligées par des pêcheurs italiens, redoutables adversaires dans ce genre de confrontations. Je prenais bien des marbrés, mais souvent ils étaient trop petits, ou je n’en prenais qu’une dizaine alors que mes voisins en prenaient plusieurs dizaines… Il m’a fallu beaucoup d’humilité et de remise en question pour comprendre, avec le temps, que ce poisson faisait appel à des ressources que j’ignorais à mes débuts. Je crois pouvoir dire sans risque que tous les compétiteurs ont vécu la même frustration et que tous sont passés par les mêmes doutes. Je tiens à te dire que si la compétition n’est pas un objectif pour toi, ce que nous allons voir ensemble te servira quand même et t’aidera à mieux « penser », quelles que soient les espèces que tu recherches.
Pêcher le marbré implique un investissement total de la part du pêcheur. Il fait appel à toutes les bases de notre technique et exige de nous que l’on soit « bon » de partout. C’est ainsi que le marbré demande d’excellentes capacités de lanceur, il exige des montages discrets (vraiment discrets) et une présentation de l’appât optimale. Et pour finir, n’oublions pas que briller dans cette pêche demande une organisation sans faille. Chaque erreur dans ce parcours est sujette à sanction immédiate. Au lieu de vingt, ce ne sera que dix poissons, voire deux.
Pour que tu sois convaincu que cela vaut vraiment le coup de t’investir, je t’annonce qu’un marbré pris est obligatoirement la preuve que tu peux en prendre plusieurs autres, voir plusieurs dizaines d’autres.
Le marbré vit en groupe et chaque groupe est constitué d’un très grand nombre d’individus. Ils se nourrissent sur le fond et se rapprochent du bord à l’approche de la nuit. Extrêmement craintif, le marbré est sensible au bruit ou à tout phénomène troublant. Les baigneurs ne sont donc pas son fort et la luminosité le pousse à s’éloigner des zones de pêche. A l’approche du soir, il se met à portée de tous, mais ne s’abandonne réellement qu’à ceux qui savent établir une ligne de conduite sans faille aucune. Je te propose maintenant d’entrer dans la logique d’approche de ce poisson en décrivant chacun de ses comportements. C’est de cette façon que l’on aboutira ensemble à une stratégie complexe mais logique.
Le marbré, un poisson craintif
Comme nous venons de l’évoquer à l’instant, le marbré est un poisson ultra craintif. Il a peur de tout, du bruit, de la lumière et plus généralement de tout ce qui peut le mettre en danger. La plupart du temps, lorsqu’il arrive à portée de canne, il n’a que peu d’eau au-dessus de la tête, et comme la majorité des poissons, cette faible profondeur est défavorable au pêcheur. La faible pression met toujours les poissons sur la défensive, car ils sont forcément plus vulnérables, la fuite n’étant limitée qu’à une fuite horizontale et leur mimétisme naturel vraiment succinct. La première chose que tu dois intégrer est que la chute du plomb suffit à faire « bouger » les marbrés. Si ton montage tombe à proximité du banc, il n’attendra pas son reste et prendra le large. Ceci explique déjà en partie les raisons pour lesquelles en compétition, ceux qui lancent le plus loin prennent plus de marbrés. Lorsque 100 plombs tombent à l’eau à 100 mètres du bord, les poissons s’éloignent de quelques dizaines de mètres. Celui qui lance à 120, 130 mètres ou plus a donc la part belle.
La première des choses à faire est donc d’augmenter ses distances de pêche. Un bon pêcheur de marbrés dépasse couramment les 130 mètres en pêche. C’est au-delà de cette distance que l’on augmente sensiblement ses résultats. Heureusement pour toi, même sans avoir développé une technique de lancer complexe, tu peux parvenir à tourner à ces distances. Commence donc par diminuer le diamètre du fil de ton moulinet ! Lorsque je dis diminuer, je ne veux pas dire de quelques centièmes, mais de 10 ou 15… Les compétiteurs italiens descendent très fréquemment sous les 25/100 en corps de ligne, les extrêmes étant de l’ordre de 20/100 ou 18/100.
Ceci est logique dans la mesure où le marbré n’est prenable que sur les plages de sable. Aucun obstacle ne vient donc empêcher la diminution des diamètres. Il te faudra changer ton fil plus souvent, mais qu’importe ! Entre un 30/100 et un 20/100 ce sont plusieurs dizaines de mètres d’écart pour un bon lanceur. Afin d’optimiser au mieux ce nouveau corps de ligne, couple lui un arraché en « queue de rat ». Ce type d’arraché commence dans un diamètre faible (18/100 à 25/100) et grossit progressivement pour atteindre un 45/100 ou un 50/100. Tu peux ainsi « pousser » aussi fort que tu le veux sans risquer la casse. Bien entendu, je ne saurais que trop te conseiller de t’investir dans l’apprentissage de la technique du sud africain (ou plomb posé) car cela te permettrait d’atteindre les 150 mètres en pêche. C’est toi qui vois, mais sache que nous ne manquerons pas d’en parler dans les numéros à venir…
Le deuxième point important à négocier est la gestion des montages. Le montage joue un grand rôle dans la distance de lancer. S’il est mal équilibré, il flotte et fait perdre de nombreux mètres. Dans le magazine vidéo, Jérôme nous montre deux montages courants et fort efficaces. Je donnerai quelques précision sur le montage à une empile longue distance qu’il nous présente. Ce montage est doté d’un accroche-appât positionné juste au-dessus du plomb. L’empile est fixée entre deux perles qui surmontent un ressort métallique en tête de montage.
Vous avez là l’un des montages les plus performants qui soient en terme de distance et les raisons en sont simples. Le principe de l’accroche est connu de tout le monde : il consiste à préserver l’appât en le plaçant dans le cône d’aspiration du plomb. En réalité, lorsque le plomb vole, il crée une zone totalement neutre derrière lui car il « pousse » l’air sur les côtés. L’appât étant situé juste en arrière, il est aspiré et ne subit donc plus les frictions de l’air. Le problème que rencontrent de nombreux pêcheurs avec les accroches appâts est qu’ils se décrochent au lancer. C’est vraiment lourd à la longue… C’est ici qu’intervient le mystérieux ressort !
Le décrochage de l’hameçon s’explique par l’élasticité du corps de ligne du montage. Au lancer, la pression est si forte que le nylon s’allonge. Il fait donc remonter légèrement l’accroche-appât et surtout, crée une onde de choc qui libère l’hameçon. Le rôle du ressort est d’absorber cet allongement et de maintenir la tension de l’empile tout au long de lancer. Avec un tel montage, les décrochages disparaissent presque totalement. Tu auras donc compris que ce montage est probablement le plus efficace si tu recherches la distance à tout prix. Toutefois, comme l’empile est fixe sur le montage, il se peut que les poissons le refusent, car n’oublions pas que le marbré est un poisson extrêmement sensible !
Le marbré, un poisson ultra sensible
La gueule du marbré est fine et tactile. Il déniche ses proies dans le sable et perçoit très facilement les subterfuges du pêcheur. Naturellement, il est des jours où les poissons sont surexcités et le problème ne se pose pas. Précisons que plus les poissons sont pris loin et moins ils sont difficiles, et inversement ! Toutefois, certains jours sont vraiment « prise de tête » et les touches sont si pénibles à capter que l’on manque tout ce que l’on veut. La présentation des appâts est donc dans ce cas un élément très important. Très concrètement, si les touches que tu perçois sont brutales, brèves et qu’elles ne conduisent à rien, cela signifie que ton montage est inadapté. Essaye donc un montage coulissant qui libère la ligne du poids du plomb. Tu peux aussi essayer les fameux « écureuils » dont tous les pêcheurs de marbré parlent. Ces écureuils répondent à un comportement typique au marbré : les touches dites « à revenir ». En fait, le marbré revient souvent vers le bord après avoir pris l’appât. Si c’est le cas et que la ligne n’est pas équipée d’un écureuil, on ne voit pas la touche, seulement le fil qui se détend légèrement. L’écureuil permet de maintenir la ligne tendue et descend lorsqu’elle se détend. Cet accessoire est indispensable car il évite un grand nombre de pertes et si tu prends soin de le coupler à un détecteur de touche, je t’assure que tu seras en mesure de voir et d’entendre les touches les plus tordues !
Ce qui est certain, c’est que le marbré ne nous laisse jamais aucune marge d’erreur. Si le montage n’est pas parfaitement adapté, l’est échec cuisant. Je te conseille donc de retenir les deux bases essentielles :
- des montages longs : ne cherche même pas à vaincre ce poisson si tes montages ne sont pas équipés de longs traînard. 1m50m me semble un minimum, mais plus le traînard sera long et plus grandes seront tes chances de le tromper. Je te conseille de ne pas hésiter à monter aussi haut que possible, plusieurs mètres étant loin d’être ridicules. En compétition internationale, les Espagnols, les Portugais et les Italiens utilisent des traînards de 5, 6 ou 7 mètres, alors pourquoi pas nous ?
- un minimum de résistance sur la ligne : fais systématiquement la chasse à l’embonpoint. Un plomb trop lourd est un risque qu’il est idiot de prendre. Cherche toujours le plomb le plus léger possible, mais qui reste capable d’atteindre la distance nécessaire. En pleine nuit, lorsque les poissons sont près du bord, descend à 30, 40 ou 50 grammes ; il n’est pas nécessaire d’aller plus haut dans ces circonstances. Quand tu réalises tes montages, cherche toujours à neutraliser le poids du plomb, soit par un montage long, soit par l’utilisation de systèmes coulissants.
La finesse et la sensibilité du marbré nous imposent forcément une vigilance absolue et une humilité de chaque instant, car il faut toujours accepter d’être dans l’erreur. A défaut, il devient difficile de s’adapter, et quand on pêche le marbré, il faut s’adapter très vite !
Le marbré, un poisson véloce
Une des caractéristiques majeures du marbré est son extrême mobilité. Cette particularité est bien intégrée par les compétiteurs qui doivent tirer un profit maximum de chaque passage. C’est dans cette rapidité d’action que réside la pêche finale. Avoir les bons montages et les bons montages à la bonne distance ne suffit pas pour « scorer ». Il faut aussi sortir de l’eau un grand nombre de poissons en un temps restreint, car les marbrés passent mais ne s’arrêtent jamais. Ils longent la plage en fouinant, mais ne se fixent presque jamais sur un poste.
Dès que tu enregistres la première touche, le compte à rebours démarre pour quelques minutes seulement. Tu comprendras donc sans peine l’importance d’être organisé afin de perdre le moins de temps possible. Prépare toujours deux, trois voire quatre empiles eschées d’avance. Lorsque le poisson est là, tu n’auras plus qu’à changer l’empile ou le montage pour relancer. Cette méthode permet à elle seule de multiplier les prises, car si à chaque fois tu dois réappâter, tu divises par trois ou quatre ton potentiel de prises.
J’ajouterai à cela deux astuces très importantes qui permettent d’attirer l’attention du poisson et d’engendrer des attaques frénétiques. La première consiste à animer l’appât sur le fond. Dès que tu prends contact avec le fond, fait glisser le montage au fond. Le mouvement est très stimulant pour le marbré, et cela permet généralement d’accélérer les touches. Certains pêcheurs pêchent d’ailleurs canne en main et ne la posent que durant les périodes de calme. Je précise que cette astuce permet aussi de marquer précisément la distance à laquelle se trouvent les poissons. Tu ne dois donc pas oublier de faire une marque sur ton fil dès que tu sens une touche… Il faut un bon paquet de « self control » pour y penser, mais la force est en toi mon gars ! Pour marquer le fil, un coup de marqueur suffit.
Tu peux aussi utiliser une vieille ruse d’Italien qui consiste à placer juste au-dessus du ver de sable une petite perle phosphorescente. La lumière feutrée de ces perles n’effraie pas les marbrés et à même tendance à les rendre fous…
Si tu veux pousser le vice à l’extrême, et bien procure toi un petit flash de photographe et « flashe » tes perles juste avant le lancer. Elles seront brillantes comme jamais et resteront éclairées plus longtemps sous l’eau.
Je peux te dire que j’ai pris une tannée mémorable à cause de cette astuce qui m’a valu près d’une centaine de poissons dans la nuit et un vingtième place au général !
Je suis certain que tu ne manqueras pas d’exploiter tous ces conseils et je souhaite qu’ils te soient aussi bénéfiques qu’ils l’ont été pour moi et pour bien d’autres. Essentiels à la traque du marbré, ces conseils sont tout aussi valables pour bien d’autres espèces, et notamment pour la dorade (à part peut être la vieille ruse de l’Italien). Savoir lancer loin quand il le faut, libérer son appât de toute entrave, prendre le contact avec le poisson sont des bases essentielles à la pratique d’un surfcasting efficace. Il est certain qu’à l’avenir, nous auront à nouveau à souligner ces points techniques et nous ne nous en priverons pas. N’hésite pas à me poser des questions sur le Forum Côt&Pêche, j’aurai plaisir à te répondre à l’avenir.
Comme Jérôme l’a très justement souligné dans le reportage vidéo, le marbré peut se prendre avec de nombreux appâts. Personnellement, j’affectionne deux d’entre eux dont je ne me sépare jamais à l’heure d’aller traquer la bestiole : le ver de sable et la telline. Le ver de sable est probablement l’appât incontournable et indispensable. Il est celui qui prend à ce jour le plus grand nombre de marbrés en France et en Europe. Je te conseille de le « faire » toi même, comme le fait habillement Jérôme, mais si tu n’a pas le temps ou la capacité de le faire, achètes les la veille et suis mon conseil : sors le immédiatement du sable dans lequel il est conservé et remplace ce sable par du sable du lieu de pêche où tu dois te rendre. Avec un minimum d’organisation, tu ne devrais pas avoir de mal à conserver ce sable chez toi, au frigo et dans un sac de toile. Aussi bête que cela puisse paraître, cela modifie l’attractivité des vers du commerce de façon considérable. Les résultats sont sans commune mesure ! La telline est un petit coquillage que l’on trouve sur les plages méditerranéennes et atlantiques (appelé lavagnon là-bas). Très apprécié dans l’assiette, ce coquillage est aussi très prisé par les marbré puisqu’il constitue l’essentiel de sa nourriture. Très fragile, je te conseille de le saler et de l’utiliser en chapelets. Une fois desséchée par le sel la telline tient mieux à l’hameçon, mais pour assurer une tenue parfaite tu peux la fixer avec du fil élastique. Une fois plongée dans l’eau elle regonfle et constitue alors un appât de choix.
Comme bien des poissons, le marbré est très sélectif sur les appâts. N’hésite donc jamais à mettre les moyens qu’il faut pour avoir sur place des appâts de qualité, et en quantité !